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samedi 8 octobre 2011

A L'ENA, FIN DU CLASSEMENT DE SORTIE?




FIN DU CLASSEMENT DE SORTIE A L'ENA?
Voir:  http://www.acteurspublics.com/article/06-10-11/clap-de-fin-pour-le-classement-de-l-ena-en-2014

Issus du Conseil National de la Resistance, les pères fondateurs de l'ENA voulaient  marquer  leur réprobation envers certains grands corps de l'Etat qui, tout  comme le Haut Patronat , (puni par les nationalisations), avaient trop facilement collaboré avec l'occupant  par défi technique,  par conviction,  ou par intérêt.
 En outre , jusque là , chaque "famille administrative" (Finances, Conseil d'Etat, Affaires etrangères, Préfectorale etc...) choisissait elle-même les  profils et les valeurs  de ses candidats et, par simple commodité,  y admettait de préférence  ses propres enfants.
On connaissait ainsi des dynasties de diplomates ou financiers publics, tout comme il existe des dynasties d'universitaires, de médecins, de journalistes  ...ou de grands patrons. S'agissant de pouvoir et non plus de simple administration , ce népotisme était pratiquement  la  règle , bien sûr dans les monarchies, mais aussi dans tout l'Empire Romain par corruption de la republique.

Pour limiter la consanguinité culturelle, les renovateurs de  1945 ont voulu démocratiser et homogénéiser le recrutement de la Haute Fonction Publique dans l'esprit de ce que sera aussi le plan de renouveau scolaire  à la fois communiste (Langevin-Wallon) et gaulliste (Capitant) . Ce projet était généreux.
Donc l'ENA s'est efforcée, jusqu'à nos jours, de démocratiser le recrutement ( le concours, l'accès par le concours fonctionnaire puis le concours dit de Troisième voie) . L'homogénéité des formations , devait aussi permettre, au moins en théorie, le passage d'une administration à l'autre et, en tout cas, dans les négociations interministérielles,  la  compréhension entre responsables disposant d'un langage commun et de références partagées.
Le choix des carrières se fait jusqu'ici selon le choix des individus, en fonction du rang de sortie.
Cela n'interdit évidemment pas des destinées professionnelles distinctes en fonction des attitudes, bien sûr, mais aussi des filières et des circonstances . Ce qui n'est pas forcément contradictoire avec les besoins de l'administration proprement dite.

Mais l'accès au pouvoir pollue ces bonnes intentions. Pendant  la Quatrième République, les enarques (encore novices?)n 'ont pas  accédé au pouvoir. Après les amiraux et les ingénieurs de l'époque vychiste, on a vu revenir au premier plan les avocats et même les professeurs de la Troisième République et surtout les ingénieurs (Mines et Ponts et Chaussées) particulièrement sollicités pour les nécessités de la Reconstruction .

Après 1958, c'est le Général de Gaulle qui indirectement a installé au pouvoir des fonctionnaires non -élus.  Tout simplement en diminuant l'influence des partis et des attachés parlementaires de tous bords. Ces nouveaux venus étaient passés par la France Libre  comme Chaban ou Messmer , étaient appréciés pour leur plume (Pompidou, Debré) ou venaient d'éclore des promotions de l'ENA (Giscard, Chirac)

En dehors de cas exceptionnels , la plupart  des premiers enarques ont été marqués dans leur formation d'exécutants  par l'Etat régalien. (droit administratif et droit budgétaire) . Epoque volontariste où la croissance économique rapide était assurée par la reconstruction (et le Plan Marshall) ; les grands travaux publics, puis  les débuts de la société de consommation importée des Etats-Unis avec la télévision et malgré les avertissements de Galbraith (Affluent Society 1961)  , les exportations faciles,  subventionnées dans les colonies et, déjà la facilité monétaire de la devaluation permanente. Mais la signature de la France était bonne...
Si les premières générations ont  été marquées par l'état régalien, celles qui leur succèdent dans les années 80 s'inspirent  de l'état reganien (moins d'état, plus de marché) 
L'ardente obligation du Plan est remplacée par le marché: la finance remplace l'économie , l'industrie disparait d'Angleterre, et d'ailleurs..
Tout le monde croit pouvoir imiter les Etats Unis qui , depuis cinquante ans, se font financer par leurs fournisseurs (petroliers arabes, Allemagne et Japon industriels, puis en plus en plus par la Chine)

En France, les inspecteurs des finances ne se contentent  plus  d'inspecter les finances et deviennent managers et banquiers. Comme managers ils sont vite dépassés par les gens du marketing et de la publicité dont le rôle consiste à vendre par force des produits dont les gens n'ont pas vraiment besoin et qu'ils ne peuvent pas vraiment se payer. Deux techniques reines: la publicité massive (exonérée d'impôts) et le credit-revolving. D'innombrables exemples de gabegies privées complètent les largesses publiques.

Comme banquiers , les enarques financiers sont aussi débordés par les "traders" qui spéculent grâce à la multiplication incontrôlée du crédit. La plupart des enarques fourvoyés dans le management  (et peut-être aussi des HEC)   ne comprennent plus ces mécanismes . Ils subissent de   sévères échecs dans l'immobilier, dans la téléphonie et le multimedia , encore plus graves avec les "subprimes" et ses emprunts toxiques  , plus  grave encore avec les excès de l'endettement surconsommateur, encore plus destructeur avec la crise des dettes souveraines.. Ils se trompent et ne sont pas les seuls...Soutenir cette économie nous coûte très cher.

Avec ou sans enarques, tout l'Occident s'est mis dans la situation où chaque euro (ou dollar) versé au consommateur, même avec les meilleures intentions, conduit à créer des emplois en Chine (et des chômeurs  en France) et des reserves financières "expatriées "dans les paradis defiscalisés grace aux  intermédiaires commerciaux ou financiers qui sont à la fois les prédateurs de l'économie, le  soutien politique des défenseurs des "marchés" et donnent des leçons de management public.

L' etat reganien se termine très mal, d'abord aux Etats Unis et aussi en Europe.

Cette crise exige une reflexion sur le contenu et les methodes de formation des managers publics.Qu'ils soient informés des modes de gestion des entreprises, des hopitaux, des territoires , des arméees etc...  c'est bien , mais ce n'est pas le coeur de métier du management public qui est la gestion d'une société dans ses diverses réalités changeantes . Comment réparer les dégâts? empêcher les financiers de semer le desastre? Là est le vrai défi, en attendant celui de l'écologie et les possibles  débordements de l'hyperpuissance chinoise.
Les methodes du politique (le pouvoir pour le pouvoir) , conduites par des "communicants " et parfois par des voyous, sont de plus en plus inquiétantes ici comme ailleurs et même dans les vieilles démocraties.
Pour l'ENA, la tentative de suppression du classement n'est pas une panacée..Elle est inutilement  reactionnaire contre les idées de 1945.  Elle parait  bien compliquée à mettre en oeuvre et  pleine d'illusion sur les capacités réelles du management privé d'entreprise (y compris dans ses methodes de recrutement)  à maitriser un environnement changeant.
Surtout ce n'est pas , et de loin, le défi le plus grave qui se pose au management public.

André GARCIA

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